La Gestion des collections : les outils de la politique documentaire

 

Une politique documentaire est l’expression formalisée et cohérente qu’une bibliothèque de service public donne de ses choix et priorités en matière de développement et de gestion des collections.

Pour concevoir une politique documentaire raisonnée →

 

  • Croiser une analyse de l’activité avec une réflexion et une définition de l’offre.
  • Disposer d’outils de pilotage pour mesurer, organiser la gestion des collections.
  •  

Une démarche  d’équipe qui nécessite plusieurs étapes de mise en œuvre et une mise à jour régulière.

 


            LES ETAPES :

            1 Diagnostic des collections

            2 Connaissance des publics et du territoire

            3 Charte des collections
            4 Plan de développement des collections

 

5 Référentiel

6 Le désherbage


 

 

      

1 DIAGNOSTIC DES COLLECTIONS

Faire un tableau de bord des collections : disposer d’un état des lieux annuel général

  • La quantité : titres, exemplaires
  • Les supports
  • Les cotes
  • Le niveau des collections
  • L’âge des collections
  • Le nombre de prêts
  • Taux de rotation (nb de prêts/nb doc)
  • Le nombre d’acquisition et d’élimination

 

2.1 CONNAÎTRE SON PUBLIC

  • Les inscrits : répartition par âge, par quartier, par catégorie socio-prof., origines linguistiques,…
  • La consultation sur place
  • Les usages : loisirs, informations, documentation, étude, recherche d’emploi, …
  • La population de la ville (à comparer avec les inscrits et les usagers)

2.2 CONNAÎTRE LE TERRITOIRE

  • Economie : les types d’entreprises, l’ANPE, …
  • Culture : équipements, associations, festival,…
  • Education : crèches, écoles, collèges, lycées, universités, formation continue…
  • Vie sociale : associations, foyers, hôpital, prison,…
  • Environnement documentaire : BCD, CDI, autres bibliothèques (ville, département, région, ..)

 

 

La bibliothèque pilote un diagnostic général qui est remis à jour chaque année. L’ensemble de  ces données permet de disposer d’un outil de pilotage. Il sert à cerner l’état de la collection et à fixer son évolution. Il mesure l’activité de la fréquentation, il la compare avec la population globale.

 

 

 

 

 

3 CHARTE DES COLLECTIONS

 

La charte des collections est un travail mené par l’ensemble des acquéreurs, la direction et la tutelle. Elle définit la politique générale documentaire de l’établissement. Ce document peut être proposé au vote du conseil municipal, par exemple. Une charte des collections définit ces différents points :

Les objectifs généraux, missions – La Description de la bibliothèque – Les Secteurs documentaires – Les supports- Les Critères de choix et d’exclusion – Les Règles d’élimination et de conservation – Le Traitement des suggestions des adhérents, des dons et échanges, ……

 

4 PLAN DE DEVELOPPEMENT DES COLLECTIONS

 

Le Plan de développement des collections détaille les objectifs annuels.

C’est un outil de travail à l’échelle de l’établissement, des sections, des annexes….

  • Prévision d’acquisition en nombre d’exemplaires
  • Prévision par segment, par niveaux, par supports
  • Désherbage par secteurs
  • Fournisseurs
  • Echéanciers des commandes

.

 

5 Le REFERENTIEL ou LA FICHE DOMAINE

 

Lle vade-mecum technique de l’acquéreur. Il doit connaître finement « sa » collection. Il précise les segments (cotes validées) de son domaine, définit les outils utiles pour les acquisitions (sites, revues, bases bibliographiques), analyse les éditeurs, les collections, fixe les prix moyens, détermine les critères de désherbage, organise une offre documentaire adaptée à son environnement. Il décrit le contenu de la collection avec ses axes forts.

 

 

6 Le DESHERBAGE 

 

Opération qui consiste à enlever des collections courantes des documents, en fonction de critères précis. On parle aussi de « désélection », qui insiste sur l’aspect d’acquisition à l’envers.

 

Une méthode de désherbage des collections : IOUPI  (Elaborée par la Bibliothèque Publique d’Information)

 

La formule comprend trois types de critères4

  • Le premier chiffre représente le nombre d’années écoulées depuis le dépôt légal (soit l’âge de l’information contenu dans le document)
  • Le deuxième chiffre représente le nombre d’années écoulées sans prêt
  • Le troisième élément se rapporte à la présence de plusieurs facteurs négatifs appelés IOUPI

I = Incorrect, fausse information

O = Ordinaire, médiocre

U = Usé, détérioré, laid

P = Périmé

I = Inapproprié au fonds

 

Quand un de ces facteurs n’est pas significatif on note X

Exemple 8/3/U : document publié depuis 8 ans, qui n’a pas été emprunté depuis 3 ans et qui possède un facteur IOUPI.

 

 

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La gestion des collections
Cours sur la politique documentaire, le circuit technique du document.
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Les collections, les usagers et les bibliothécaires : une tension permanente

Parcours historique sur le rôle du bibliothécaire

 Ce document rassemble des citations sur le rôle du bibliothécaire dans les acquisitions. Il est possible d'organiser un jeu entre deux groupes, chacun apportant des arguments sur "le bibliothécaire guide" ou sur "L'usager choisit"

 

PARTIE 1 : Le bibliothécaire, sélectionne, achète, conseille, guide :

 

« On n'envisage pas le choix des livres sans qu'aussitôt surgisse l'expression « les bons et les mauvais livres ». Car il y a de mauvais livres. Il est évident qu'il ne peut s'agir des ouvrages qu'animent des sentiments et des idées qui ne sont point les nôtres. Le mauvais livre est celui qui ment, parce qu'il trompe et déforme. » Henri Lemaître, bibliothécaire, conférence du congrès d’Alger, 1931

 

« C'est en utilisant les goûts et les tendances de chaque lecteur, que l'on arrivera à élever petit à petit le niveau de ses lectures et à l'aider dans sa formation intellectuelle et morale. Des romans d'aventures, on le mènera habilement aux récits historiques, des drames policiers aux romans psychologiques.» L'Abbé Louis Bethléem, directeur de la Revue des Lectures,  conseille les bibliothécaires à la conférence du congrès d’Alger en 1931

« A force d'emprunter des livres instructifs, le lecteur finira par s'y intéresser.»Gabriel Henriot, inspecteur des bibliothèques de la ville de Paris, en 1943

«  Le problème des bibliothèques n’est pas seulement un problème financier. Les bibliothèques ne sont qu’un moyen, le but à atteindre c’est l’éducation des masses. Ce qui importe, ce n’est pas seulement d’avoir beaucoup de livres, d’aligner en fin d’année des statistiques impressionnantes. Ce qui importe, c’est que chaque jour plus grand de citoyens viennent à la bibliothèque et que leurs lectures, parce qu’elles seront de qualité, leur ouvrent des horizons nouveaux, stimulent leur curiosité, aiguisent leur sens critique. C’est pourquoi le rôle du bibliothécaire est particulièrement important. » Paul Poindron, responsable du service technique à la Direction des bibliothèques, en 1949.

« Elever le niveau des lectures d’un public souvent  habitué à une littérature  commerciale de pure consommation tel était l’enjeu [dans les années 60]. Il fallait trouver des voies qui aideraient ces nouveaux   lecteurs à sortir de la sous-littérature  pour découvrir la richesse du plaisir esthétique, c'est-à-dire des œuvres de qualité retenant l’intérêt du lecteur encore peu aguerri parce qu’ils reprennent des thèmes qui lui sont familiers. Ainsi, le lecteur doit passer du facile au difficile, adopter une attitude plus critique à l’égard de ses lectures. » Moro, Annie, Enquête sur la bibliothèque municipale de Rennes de 1959 à nos jours,  Maîtrise d’histoire, 1989.

" A céder aux modes, aux goûts et aux pressions du jour, les bibliothèques risquent en fait de ne plus remplir leur mission culturelle et sociale, de ne plus jouer leur rôle de résistance et de n’être plus que des espaces de culture consensuelle, abandonnant toute ambition de promouvoir les œuvres, les auteurs et les éditeurs qui prennent des risques " Dominique Tabah, directrice de la bibliothèque de Bobigny, cité par Anne-Marie Bertrand dansCollections et publics en bibliothèque , 1999.

« Le premier danger qui guette les fonds de littérature est la standardisation, l’uniformisation. […] La diversité de la production doit inciter les professionnels à sortir des sentiers battus et à construire des collections diversifiées. Pas seulement pour répondre aux attentes supposées des différentes catégories de lecteurs. C’est une question de politique de l’offre, et même de politique culturelle »Madeleine Deloule, « Acquisitions, classement, mise en valeur », in22.  Littérature contemporaine en bibliothèque, sous la dir. de Martine Poulain, Éditions du Cercle de la librairie, 2001. 

« Le bibliothécaire se voit ainsi comme un pédagogue, un " professeur de lectures ".La collection doit provoquer chez le lecteur un nouvel appétit, une nouvelle envie de lire. L’offre provoque la demande.» Bertrand, Anne-Marie, « L'offre et la demande : un éclairage américain », BBF, 2010, n° 3, p. 22-26

 

  PARTIE 2 L'usager choisit

 

«  Une bibliothèque doit surtout acheter de mauvais livres. En les achetant elle dispense le public de les acheter. » Eugène Morel, Bibliothèques : essai sur le développement des bibliothèques publiques,  1906

 

« Le lecteur néophyte ne connaît ni Stendhal, ni Malraux, il ira tout droit à Delly ou à la Série noire. Tant pis pour ce début, pourvu que l'on y voie un point de départ; mieux vaut le contact avec le mauvais liseur que le silence, signe d'indifférence ou de mécontentement. » Mlle Delrieu, directrice de la Bibliothèque centrale de prêt du Bas-Rhin  « Pourquoi lisez-vous ? », BBF, 1957, n° 9, p. 633-652

" Nous ne pouvons pas parler de bibliothèque en la définissant simplement comme un équipement qui prête des livres à 20 ou 30 % de la population, ce qui suppose que 70 à 80 % restent à l’écart et que cela regroupe, le plus souvent, les catégories sociales les plus défavorisées. La bibliothèque draine un public qui socio-culturellement est prédisposé à venir la fréquenter, mais il reste alors une immense majorité du public que l’on ne touche pas. » Gérald Grunberg,cité par Anne-Marie Bertrand dansCollections et publics en bibliothèque, 1999.

« Voici la nouvelle légitimité de la collection : le document devra toujours prouver sa validité par un usage, un document de bibliothèque doit être utile à un public »Bertrand Calenge, cité par Anne-Marie Bertrand dansCollections et publics en bibliothèque, 1999.

« Si quiconque entrant dans une bibliothèque n’y décèle rien qui lui soit déjà familier, alors il lui est signifié, j’ose dire avec violence, que cet endroit n’est pas pour lui. En ce sens, exclure des livres, ce peut être aussi, du même coup, et quelles que soient les intentions, exclure des gens  » Dominique Lahary, directeur de la BDP du val d’Oise,  Message sur biblio-fr, du 8 juin 2000

« Le manga en bibliothèque publique est un « mauvais genre » pour reconquérir les publics. Le manga peine encore à trouver une place et une légitimité auxquelles il pourrait prétendre par son poids éditorial. Si la plupart des établissements de lecture publique en acquièrent, c’est le plus souvent en très petit nombre et en le limitant à des préjugés, au premier rang desquels le fait qu’il serait uniquement destiné à un public adolescent. » Baudot, Anne, « Le manga en bibliothèque publique », BBF, 2010, n° 3, p. 62-66

 

 « Pour les best-sellers, une des questions est celle d’une demande pressante, répétitive, compulsive et souvent, aux yeux des bibliothécaires, illégitime. Oui, mais ces ouvrages sont souvent appréciés et lus par des non-familiers du monde de l’écrit : c’est donc un outil pour faire venir ou revenir de faibles lecteurs dans les bibliothèques ; créer de la familiarité, proposer du déjà vu est une des façons de créer cette connivence nécessaire entre un établissement et ses usagers. » Bertrand, Anne-Marie, « L'offre et la demande : un éclairage américain », BBF, 2010, n° 3, p. 22-26

Un nouveau modèle : l’acquisition conduite par les usagers (Patron Driven Acquisition)  « les usagers peuvent rechercher et consulter l’un des ebooks au sein d’une offre de dizaine de milliers de titres pendant cinq minutes sans faire encourir de frais à la bibliothèque. Après cinq minutes, une fenêtre apparaît, demandant à l’usager s’il souhaite continuer à accéder au livre numérique. Si l’usager le souhaite, la bibliothèque est créditée d’une utilisation de livre numérique, mais c’est transparent pour l’usager. Il peut continuer à utiliser le livre pendant 10 jours sans frais supplémentaire pour la bibliothèque. A la quatrième utilisation d’un titre, un “achat” automatique est fait, et le livre numérique est ajouté à la collection permanente de la bibliothèque, il devient alors accessible à tous les usagers. [http://www.bibliobsession.net/2011/03/03/du-bouquet-aux-acquisitions-faites-par-les-usagers-un-equilibre-a-trouver/)